Utilisation de l'outil informatique au service de l'analyse interprétative

La dialogique du parlé et du chanté est l'une des plus présentes dans la musique vocale. Dès l'origine, elle traverse l'histoire du chant — poésie antique, récitatif, mélodrame, mélodie, sprechgesang. Les caractéristiques typologiques de la chanson française, avec l'usage de la voix naturelle, la mise en avant du texte, la relative simplicité mélodico-rythmique, en favorisent l'émergence. Cette tension entre parole et chant est encore plus fondamentale que les précédentes en regard de l'importance et de la diversité de ses occurrences dans ce genre populaire, de son potentiel créatif, voire de subversion générique. D'ailleurs, une des typicités du genre est de transférer les caractéristiques de la voix parlée de l'interprète à sa voix chantée, les deux ayant souvent une proximité étonnante [1] (prononciation, intonation, timbre, phrasé…).

Les avatars de cette porosité entre les deux types d'énonciation se font à partir d'un double mouvement, à la fois paradoxal et convergent : l'érosion de la musicalité du chant, qui conduit ce dernier à la frontière du parlé par la contamination de la parole, ou l'exacerbation de la musicalité de la parole, qui conduit le dit à la frontière du chant.

Figure 18 : Graphique du double mouvement du parlé au chanté et du chanté au parlé.