Retours d'expérience

L’expérience de la préparation amont des concerts n’a pas été entièrement probante en ce sens qu’il a fallu aux musiciens pour se préparer presque autant de répétitions que s’ils avaient joué des partitions traditionnelles. Un des problèmes en suspens, outre l’appropriation de la logique de notation, consistait en la confiance des musiciens dans la capacité du dispositif à soutenir leur performance de façon efficace, sachant que la vérification de la qualité de ce soutien était difficile avant l’épreuve du concert.

En revanche, les trois premiers concerts ont prouvé l’intérêt du dispositif du point de vue de sa réception par le public. Les spectateurs en effet sont intéressés par la proposition qui leur est faite, et les formes musicales qu’ils reçoivent leur paraissent souvent avoir été soigneusement élaborées (voir à ce sujet l’habile distinction entre composition et organicité par Boris de Schlœzer [1]). Ils se passionnent pour la lecture interprétative des partitions, et sont quelquefois prêts à en créer en séance, qui seront jouées dans la foulée et parfois dirigées par eux (l’expérience a été tentée avec succès pendant le concert du Delta).

Extrait d'un concert donné le 6 avril 2007, à La Générale, Paris

Très vite en effet, l’idée a germé de donner à voir les partitions au public, par vidéoprojection sur un écran de fond de scène (sans toutefois qu’un curseur ne matérialise le cheminement temporel). Le public s’amuse vite à prédire les commutations de séquences, cherche à prendre ses repères, et anticipe les ruptures. Du même coup, pris au jeu, certains se risquent à produire des partitions en temps différé (dans le temps du concert, par exemple pendant les entractes), dès lors qu’on fournit des canevas vierges et qu’on suggère de les donner à jouer durant la partie suivante du spectacle vivant/concert.

C’est alors que ressurgit la figure du chef, à un endroit que personne n’attendait plus : le compositeur d’une partition a souvent envie de préciser son projet dans le temps de l’exécution, conscient de n’avoir pas tout dit au moment de l’écriture. Il/elle demande alors typiquement de livrer des indications complémentaires en temps réel, et donc d’adopter la position du chef d’orchestre. C’est ainsi que le public peut explorer le rôle du chef de formation musicale sur la base de ses propres compositions, sans nécessairement avoir la culture de l’écriture musicale traditionnelle. Et c'est finalement à cet endroit que nos expériences se sont avérées les plus pertinentes.


[1] Schloezer (de), Boris, Introduction à Jean-Sébastien Bach, Paris : Gallimard, 1947.

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