La narrativisation acousmatique
- Compte-rendu d'expérience

Nicolas Marty

 

L’expérience relatée ici a été réalisée dans le but de mettre à l’épreuve et d’illustrer des hypothèses concernant la réception d’une musique électroacoustique de type hörspiel / art radiophonique / paysage sonore, dans laquelle les paramètres de segmentation de l’audible et de catégorisation sont les plus contrôlables. La pièce concernée est Journey into Space (1972) de Trevor Wishart.

Un test préliminaire (l’analyse du discours écrit de quarante participants concernant trois extraits de trente secondes de Journey into Space) a d'abord permis de définir une batterie de processus cognitifs impliqués dans la réception de la musique acousmatique, et dépendant de la conduite d’écoute de l’auditeur[1]. Voici les grandes lignes de la conception théorique subséquente :

 

Trois hypothèses principales ont été définies pour l’ « expérience d’écoute organisée » qui est l’objet de cet article :

  1. Les processus de narrativisation observés lors du test préliminaire (et notamment ceux qui sont relatifs à l'identification sonore) se retrouveraient ici et seraient pondérés par l’évolution du contenu du monde musical (principalement par le critère de présence de la voix).

  2. Les différents plans de narrativisation seraient apparents dans les productions des participants et dans leur discours sur leur écoute, et seraient révélés par la présence de divers processus de narrativisation.

  3. L’expertise des auditeurs en musique électroacoustique jouerait un rôle dans l'orientation initiale de la narrativisation.

 

Deux points sont à noter dès l'entrée de cet article, afin de ne pas laisser subsister de doute sur la nature des matériaux recueillis et sur la pertinence des interprétations qui peuvent en être tirées.

 

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[1] Marty, Nicolas, Identification sonore, stratégies d’écoute et narrativités – L’exemple de Journey into Space (1972) de Trevor Wishart, mémoire de master recherche en musique et musicologie, dir. François Madurell, Université Paris-Sorbonne, 2012, 356 p. Cet article est le compte-rendu d'une expérience réalisée dans le cadre de ce master.

[2] Delalande, François, Analyser la musique : Pourquoi, comment ?, Paris, Ina Editions, 2013. Voir aussi mon compte-rendu de cet ouvrage, notamment pour un détail concernant les conduites d'écoute (Marty, Nicolas, « Analyser la musique, pourquoi, comment ? de François Delalande », Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société, n°17 (Musique et utopie), 2014 [http://revues.mshparisnord.org/filigrane/index.php?id=642 - consulté le 11 mars 2015].

[3] Imberty, Michel, La musique creuse le temps - De Wagner à Boulez : Musique, psychologie, psychanalyse, Paris, l'Harmattan, 2005.

[4] On pourra notamment mentionner l'idée de "vecteur dynamique" proposée par Imberty (Ibid.), qui relève du vécu de la directionnalité du temps, expériencié par analogie avec des expériences de la petite enfance - idée qu'on retrouve dans les premiers modèles, attractivité et cyclicité, proposés par Jacopo Baboni et Fabien Vallos (Six modèles d’analyse herméneutique, Paris, MIX, 2008).

[5] En ce qui concerne les attributions de causalité et leur importance dans la segmentation du flux sonore, on pourra lire McAdams, Stephen, Spectral fusion, spectral parsing and the formation of auditory images, Ph.D., Stanford University, 1984 [https://ccrma.stanford.edu/files/papers/stanm22.pdf - consulté le 5 novembre 2014]; ou encore, dans le cadre des musiques électroacoustiques, Windsor, W. Luke, « Ecological constraints and the perceived structure of electroacoustic music », In: Deliège, Irène (éd.), Proceedings of the 3rd International Congress on Music Perception and Cognition, European Society for the Cognitive Sciences of Music, 1994, p. 305-306 [http://www.escom.org/proceedings/ICMPC3_ESCOM2_Liege_1994_Proceedings_OCR-opt.pdf - consulté le 5 novembre 2014].

[6] Autour de la notion de "diégèse" en musique électroacoustique, voir notamment Çamcı, Anıl, « Diegesis as a Semantic Paradigm for Electronic Music », eContact!, vol. 15, n°2, 2013 [http://cec.sonus.ca/econtact/15_2/camci_diegesis.html - consulté le 5 novembre 2014].

[7] À propos des lois spatio-temporelles apposées à la musique électroacoustique par la perception, voir la reprise du concept de "chronotope" par Kilpatrick, Stephen, « Composition as ‘Machine to Think With’ : Aspects of narrative within electroacoustic music », eContact!, vol. 11, n°4, 2009 [http://cec.sonus.ca/econtact/11_4/kilpatrick_narrative.html - consulté le 5 novembre 2014]

[8] Mentionnons notamment l'ouvrage de Seth Kim-Cohen sur un art sonore "non-cochléaire", i.e. conceptuel (Kim-Cohen, Seth, In the blink of an ear: towards a non-cochlear sonic art, Londres et New-York, Continuum International Publishing Group, 2009).

[9] Les approches esthétiques de François Bayle et de Denis Smalley sont notables en ce qui concerne le symbolisme, avec la notion de "méta-forme" chez Bayle (Musique acousmatique - propositions…positions, Paris, Buchet Chastel, 1993) et avec le vocabulaire métaphorique de la spectromorphologie chez Smalley (« Spectromorphology : Explaining Sound-Shapes », Organised Sound, vol. 2, n°2, 1997, p. 107-126).


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