3. Création et institutions

Cristina Kasem (doctorante – IReMus)
Le Master de création ethnographique de la Orquesta de Instrumentos autóctonos y nuevas tecnologías de la Untref

Ceci est le sujet de ma thèse doctorale. Créé en 2001 par le compositeur argentin Alejandro Iglesias Rossi au sein de Département de Musicologie de l’Université Tres de Febrero, Buenos Aires, Argentine, l’orchestre d’instruments traditionnels et nouvelles technologies ouvre la voie à un nouveau paradigme de la création musicale qui cherche ses racines dans la tradition musicale et l’iconographique précolombienne. Ma contribution essayera de jeter quelques lumières sur la possibilité et la signification de cette démarche.  Elle nous oblige tout d’abord, à problématiser le concept même de mémoire et sa valeur véritable comme source de création. Ensuite, l’Orquesta nous invite à poser sur elle des regards interdisciplinaires croisés pour pouvoir rendre compte de toute la richesse et la complexité du travail, duquel se dégagent des effets créatifs, certes, mais aussi pédagogiques.

Texte de la communication

Ocarinas


Gérald Guillot (HEP – Lausanne)
Renouvellement et création musicale au sein des cultures de tradition orale : un aperçu des processus musicaux et didactiques

Encore aujourd’hui, l’ethnomusicologie s’intéresse assez peu aux questions de transmission, et la pédagogie de la création y apparaît seulement de façon anecdotique. Toutefois, la comparaison de certains processus musicaux et didactiques provenant de traditions très différentes dévoile quelques mécanismes communs. A cette occasion seront rappelées les distinctions entre oralité et auralité, la très peu pertinente dichotomie entre oralité et écriture, et une définition de la notion de tradition, fondée sur une perpétuelle tension (productive) entre continuité et renouvellement. Evidemment, une place particulière sera réservée à la notion d’improvisation, une composition synchrone s’appuyant sur des savoirs implicites, véritables théories en acte. Quelques illustrations vidéo et l’analyse de courtes séquences constitueront une sorte de voyage, bref et immobile, dans un « ailleurs » de la création musicale aux multiples déclinaisons. A minima, la perspective relativiste induite par l’étude, même très succincte, de tels corpus, permet de réinterroger, en retour, les traditions avec lesquelles nous partageons depuis longtemps une grande intimité.


François Giroux (ESPE-Paris)
L'invention musicale à l'école et au collège : sollicitations, programmes, réalisations et projets

Voici plus de vingt ans, de multiples expériences imaginées et vécues dans les classes rompaient avec les usages et demandaient à s’exprimer dans le cadre de prescriptions nationales. Un congrès de l’association des professeurs d’éducation musicale consacré à la créativité en 1996 renforçait encore cette urgence. L’inscription de ces sollicitations vit le jour avec de « nouveaux programmes » destinés au collège, mettant en avant la création musicale. Deux moutures ont continué depuis à donner à la création une place grandissante, jusqu’à en faire en 2016 l’une des quatre compétences travaillées en éducation musicale sous l’incitation Explorer, imaginer, créer et produire.

Après un examen de cette démarche et de ses évolutions, des exemples feront apparaître les enjeux d’une articulation entre l’autonomie recherchée de l’élève et sa capacité de fonder son expression musicale sur une perception affinée par l’écoute de références variées. Il s’agira également d’examiner comment perception et production joignant l’individuel au collectif se nourrissent d’une critique active, validée par des échanges et débats constructifs.

Le temps contraint de la formation des enseignants doit intégrer ce travail d’invention dont le caractère participatif recèle une dimension utopique forte. Ses défis transforment l’acte d’enseigner : il s’agit bel et bien d’une autre transmission impliquant et stimulant l’imagination, la collaboration, l’originalité, l’adaptation, l’analyse, la synthèse, la sensibilité, et, entre autres, l’écoute. Les gains potentiels sont illimités, visant l’expression autonome de l’individu et son engagement dans un collectif partagé. Ces dispositions accroissent la capacité d’apporter des réponses concrètes potentiellement adaptées à la multiplicité des problèmes rencontrés par notre actualité. A cet égard, le réexamen d’une œuvre de création pédagogique comme celle de Dieter Schnebel, aujourd’hui trop délaissée, engageant les individus sur le plan pratique comme intellectuel, peut s’avérer aussi actuelle qu’utile.


Jean-Michel Bardez (Conservatoire Hector Berlioz, Paris)
Écriture musicale et création

Un cours d’écriture/composition suppose la considération du plus grand nombre possible de corpus. Il est également lié à l’invention de pièces personnelles, à une pratique du clavier, à une écoute très attentive de situations multiples et suppose une approche complexe, basée sur l’observation de moments extraits de l’ensemble des répertoires incluant la musique de tradition orale, enregistrée, improvisée, utilisant les moyens informatiques. La relation au « sonore-musical » est tressée d’appréhensions impliquant des niveaux d’investigation interférés. Il s’agit d’extraire d’œuvres, de répertoires abordés dans toutes les dimensions envisageables et à l’aide de parcours analytiques cumulés, croisés, des fonctionnements évalués à une aune comparative, en visant la cohérence et la part d’inouï au service du sens et d’une dynamique d’appropriation individuelle approfondie, sans cesse évolutive. On y fait nécessairement allusion à des aspects historiques, esthétiques, philosophiques, à l’emprise d’idéologies de pouvoirs divers sur les formes. Ainsi conçu, ce cours constitue une observation statistique des phénomènes les plus fréquents dans une situation précise, caractéristiques d’un ensemble plus ou moins ouvert d’éléments mis en jeu, d’un « style » circonscrit autant qu’il est possible, ainsi que des plus rares, définis aux marges de l’ensemble, aux intersections avec d’autres ensembles. Une forme « sonore-musicale » s’inscrivant dans le flux global d’un parcours vers des inconnus (une frontière de découverte) on envisage, entre autres, l’approche des types de formants, des liens entre les contrepoints et les groupes de fréquences simultanées, des systèmes, des archétypes, des échelles et des modes, de la relation aux textes, des objets exogènes, de l’entropie, des relations d’ordre, des types pulsatoires, d’un territoire souvent inconscient du son, des mémoires et de la transmission, des processus énergétiques, de la manipulation d’une désirance, des types de rhétorique, des parts improvisées. La collaboration avec de nombreux autres cours (instruments, voix, musique/images, informatique musicale, danse, scène etc.) est évidemment nécessaire.



Dominique Delahoche (PMD-Metz)

Une action de compositions pédagogiques à plusieurs étages

L’ESAL, Pôle musique et danse de Metz, propose un module nouveau intitulé "initiation à la composition de pièces pédagogiques". Initiateur de ce projet, j’ai la chance de le conduire depuis 2017 au cœur d’une équipe pluridisciplinaire alliant la composition, l’analyse, la gravure musicale et la didactique. J’exposerai les principales raisons, personnelles et générales, qui m’ont conduit à proposer ce module à la lumière de mon expérience croisée d’instrumentiste, de professeur et de compositeur.
À l’heure où ce dispositif fait l’objet d’un premier bilan dans notre établissement car la première promotion arrive au terme du parcours proposé, mon intervention se présente avant tout comme le témoignage d’une expérience vécue à travers laquelle nous cherchons à susciter chez les futurs enseignants diplômés, la curiosité et le goût pour la musique de notre temps afin qu’eux-mêmes les transmettent.
Auteur de trois ouvrages sur la question des techniques instrumentales contemporaines, je souhaite à l’occasion de cette communication, développer plus particulièrement les questions de pratique instrumentale, de méthodes d’apprentissage, d’ergonomie et de protocoles de notations liées à ces techniques nouvelles qui se trouvent au cœur même du travail de composition que je demande à mes étudiants.
Le pouvoir des techniques spéciales à nourrir des imaginaires musicaux nouveaux et à transformer les identités sonores des instruments est un des premiers enjeux de ma recherche de compositeur.
C’est un travail que je poursuis depuis dix ans avec Hugues Dufourt. À travers ce projet de l’ESAL-Pôle musique et danse de Metz, j’explore un autre versant de l’usage de ses techniques qui vient interroger la maîtrise du son et du geste chez les plus jeunes élèves.



Débat-Atelier
Contexte institutionnel, pédagogie et création musicale





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