Conclusion

Une des questions les plus complexes à résoudre dans Natureza Morta — Visages d’une dictature a été la création d'un dispositif permettant d'exposer et d’ouvrir les images d'archive à de différentes lectures. Ce dispositif a été trouvé à travers la notion d'exposition qui est devenue le concept directeur du projet.

Il est également important de souligner, que le travail qui fonde Natureza Morta est profondément ancrée sur le milieu numérique. Il permet, par sa nature, de dépasser certaines contraintes liées à la technologie analogique, en laissant entrevoir des perspectives qui étaient auparavant inenvisageables : soit à cause de son apparente neutralité face aux différents éléments constitutifs d’un film (bande-son, bande-image), soit à cause du genre d’opérations devenues réalisables.
La nature des transformations imposées aux images (notamment les ralentis extrêmes dont la réalisation devient assez complexe en raison des changements et variations de vitesse dans un même plan) ne sont pas possibles avec une technologie analogique, ou du moins, deviennent aberrantes. La viabilisation d’un certain nombre d’expérimentations en raison du raccourci de la durée du cycle de vérification, a eu une influence cruciale dans le processus de création.

D’autre part, l’écriture musicale a été élargie dans le temps. L’acte d’écriture n’est pas terminé avec la livraison des séquences musicales prêtes à être employées dans le film, mais avec l’achèvement du film lui-même, ou, à la limite, avec le mixage du son, dernière phase (avec l’étalonnage) avant la sortie du film.
De cette façon, tout au long de ce processus, la réalisatrice a pu travailler l'oeuvre toujours dans son ensemble, d'une forme presque organique, en étant libérée de toutes contraintes qui pouvaient arriver de matériels préalablement fixés.
Périodiquement, les résultats ont été repris par le compositeur pour être recomposés de façon à les adapter aux nouvelles configurations et le processus recommençait.
Cette circulation du matériau musical a eu lieu jusqu’au montage définitif rapprochant ce travail d’une forme de cinéma où le son n’est plus, « ou plus toujours, soumis à l’image, mais [est] traité comme un élément expressif autonome du film, pouvant entrer dans divers types de combinaisons avec l’image. »[26]

Les principes sous-jacents au film ont pu ainsi être pris à un extrême non possible précédemment, permettant le développement d'une procédure narrative qui, en incorporant image et musique (et non des mots), pouvait montrer l'envers d’un régime autoritaire aux travers des images produites, dans leur majorité, par la dictature elle-même.

Les résultats de ce travail, ainsi que les questions implicites dans le concept directeur lui-même du projet, ont ouvert à l'expérimentation de nouveaux dispositifs. Ainsi, une nouvelle œuvre en cours, Natureza Morta - Stillleben, une installation à trois écrans avec son multi-canal, cherche à développer les principes sous-jacents au film dans une nouvelle direction.

António de Sousa Dias

Susana de Sousa Dias

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Notes :

[26] Jacques Aumont, Alain Bergala, Michel Marie, Marc Vernet, L’Esthétique du film, Paris, Fernand Nathan, 1983, p.33.