Validation expérimentale de la pertinence cognitive des UST

Aline FREY, Sébastien POITRENAUD et Charles TIJUS (Laboratoire Cognitions Humaine et Artificielle, EA 4004 CHArt, Paris 8)

Introduction

Du point de vue de la psychologie cognitive, les UST soulèvent un certain nombre d’interrogations. En effet, Delalande soulignait déjà que :

« Dans la mesure où la constitution d’exemples équivalents sur le plan sémantique repose sur le jugement d’un groupe de personnes, on conçoit que ce jugement d’équivalence soit, à priori, relatif d’une part à ce groupe et d’autre part à un type d’attitude ou de conduite d’écoute adoptée en commun. Nous espérons pouvoir montrer que les résultats obtenus peuvent être étendus à des groupes plus larges et peut-être présenter, sur le plan des types d’auditeurs, une certaine généralité. Par contre, il est assez probable qu’ils restent relatifs à une certaine attitude d’écoute ; qu’il faille orienter son attention dans une direction définie pour être sensible à une sémantique du temps »(1).

Les UST ont-elles en effet une validité psychologique ? La perception des UST repose-t-elle forcément sur une écoute « orientée » sur le déroulement temporel ? De même, le travail d’écoute, de segmentation, de définition autour des UST a été effectué par une équipe de musiciens. Cela présente certes l’avantage de bénéficier de la compétence d’experts lorsqu’il s’agit de porter un jugement d’équivalence entre deux UST(2), mais il est important de déterminer dans quelle mesure l’expertise musicale est nécessaire pour appréhender les UST. Il se pourrait qu’il s’agisse d’une capacité commune à tout auditeur, retrouvée donc chez des non-musiciens : les UST seraient alors identifiées comme des figures sonores pertinentes.

De plus, les UST ont été décrites de manière qualitative, et un deuxième « test » de leur validité reposerait sur leur caractère opérationnalisable. Pour chaque UST, des caractéristiques morphologiques et cinétiques ont été proposées par les chercheurs du MIM. Il devient donc possible de modéliser les UST, selon des paramètres qui évoluent dans le temps, et de construire des figures sonores à partir de ce modèle en indiquant quelles sont les variables à paramétrer. Cette modélisation a été entreprise par Philippe Bootz et Xavier Hautbois : elle a abouti aux Motifs Temporels Paramétrés (MTP)(3). Les deux auteurs ont cherché à analyser les UST du point de vue de l’évolution quantitative des paramètres sonores : les MTP correspondent à une description du signifiant des UST à l’aide de fonctions qui représentent l’allure globale du comportement temporel de variables pertinentes. Bootz et Hautbois ont également voulu faire évoluer cette approche analytique vers une approche de production et ont créé des exemples sonores simulant ces unités sémiotiques.

Dans la partie qui va suivre, nous présentons des expérimentations récentes qui ont été menées pour tester la validité cognitive des UST. Ces travaux ont consisté :

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(1) DELALANDE F., « Les Unités Sémiotiques Temporelles : problématique et essai de définition », in MIM, Les Unités Sémiotiques Temporelles, éléments nouveaux d'analyse musicale, Marseille, MIM (diff. ESKA, doc. Musurgia), 1996, p. 21.

(2) Ibid., p. 33.

(3) Voir BOOTZ P., HAUTBOIS X., « Les Motifs Temporels Paramétrés », in FORMOSA M., RIX E., Vers une sémiotique générale du temps dans les arts, Paris, IRCAM/Editions Delatour (coll. « Musique/Sciences »), 2008, p. 147-177, ou la présentation condensée proposée dans ce numéro de Musimédiane : « Modélisation des structures temporelles par les Motifs Temporels Paramétrés (MTP) ».

(4) FREY A. & al., « Pertinence cognitive des Unités Sémiotiques Temporelles », Musicae Scientiae 13 (2), Fall 2009, p. 415-440.

(5) FREY A., Traitement perceptif et cognitif de l’information auditive et musicale : segmentation des flux et figures sonores, Thèse de Doctorat, Université Paris 8, 2009.

(6) FREY A., MARIE C., PROD’HOMME L., TIMSIT-BERTHIER M., SCHON D. & BESSON M.,  “Temporal Semiotic Units as minimal meaningful units in music ? An electrophysiological approach”, Music Perception 26 (3), 2009, p. 247-256.