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Expérience 3 : validation électrophysiologique des UST

Dans la troisième et dernière expérience que nous avons souhaité présenter ci-dessous, c’est le caractère sémantique des UST qui était testé, par la méthode des potentiels évoqués, dans un paradigme d’amorçage. Vingt-quatre participants, dont 12 experts en UST et 12 non-experts, ont participé à cette expérience. Le matériel musical était composé de 90 UST, produites au piano pour les besoins de l’expérience. Parmi ces 90 UST, 60 étaient congruentes, à savoir qu’elles suivaient strictement, dans leur déroulement temporel, les caractéristiques décrites dans les fiches du MIM. Les 30 autres étaient incongrues, c’est-à-dire qu’elles commençaient comme une UST, mais finissaient différemment. Toutes les précautions de composition et d’interprétation ont été prises pour que cette transformation ne s’accompagne d’aucun changement brutal d’intensité ou de fréquence. Un paradigme d’amorçage a été établi de la manière suivante : 30 UST congruentes ont servi deux fois d’amorce, et étaient suivies soit par 30 autres UST congruentes, soit par les 30 UST incongrues. Chaque participant écoutait ainsi soixante paires d’UST : trente paires dites congruentes (i.e., l’UST amorce est suivie par une UST cible congruente) et trente paires incongrues (i.e., l’UST amorce est suivie par une UST cible incongrue).

Les participants étaient informés qu’ils allaient entendre des paires d’extraits musicaux, d’une dizaine de secondes chacun, qui évoquent une idée, un concept. Leur tâche consistait à décider si les deux extraits entendus dans chaque paire évoquent la même idée, le même concept, ou si le deuxième extrait commence par évoquer le même concept, puis évolue vers un autre concept, différent du premier. Les participants avaient un bouton poussoir dans chaque main, et appuyaient sur l’un ou l’autre à la fin du deuxième extrait (UST cible) pour donner leurs réponses.

Les données comportementales (bonnes ou mauvaises réponses) ont montré que les non-experts faisaient en moyenne deux fois plus d’erreurs que les experts (effet significatif). Plus particulièrement, les non-experts ont fait significativement plus d’erreurs que les experts pour les cibles congruentes, alors que cette différence n’était pas significative pour les cibles incongrues.

Les enregistrements électrophysiologiques n’ont montré aucune composante particulière lors du traitement des cibles congruentes, dans le groupe des experts comme dans celui des non-experts. En revanche, lors du traitement des UST incongrues, une positivité s'est développée lors du traitement de l’incongruité chez les experts, alors qu’une négativité de type N400 est apparue chez les non-experts dans la même fenêtre de latence, contrairement à nos hypothèses. Les tracés correspondant sont présentés sur la Figure 2 ci-dessous, pour 3 électrodes frontales représentatives.


Figure 2. PEs moyennés sur l’ensemble des participants et associés aux cibles incongrues chez les non-experts (ligne continue) et les experts (ligne pointillée). Les enregistrements sont présentés pour les électrodes frontales (F3, Fz, F4). L’amplitude (en µV) est représentée en ordonnée, et le temps (en ms) en abscisse. Par convention, la négativité est vers le haut. Le moment où l’UST devient incongrue correspond au temps 0ms, indiqué par la barre verticale.

Les cibles incongrues ont généré une négativité particulièrement importante sur les régions fronto-centrales de l’hémisphère droit chez les non-experts (-0.51 µV), alors que durant cette même fenêtre de latence, c’est une positivité qui est apparu chez les experts, présentant un maximum d’amplitude sur les régions temporo-pariétales gauches (2.08 µV). Cette différence était significative. L’analyse des cartes topographiques (cartes de densités de courant sur le scalp, montrant l’implication des structures corticales activées) a montré encore une fois la présence d’une négativité chez les non-experts sur les régions frontales droites. Chez les experts, une positivité était, au contraire, distribuée sur les régions pariétales gauches, ce qui conforte les analyses précédentes. Ces différences topographiques ont montré que la configuration des ressources cérébrales activées durant l’écoute des UST incongrues n’est pas la même chez les experts et chez les non-experts.

Les résultats de cette expérience ont bien souligné que le changement de concept à l’intérieur d’une UST provoque une modification observable au niveau électro-physiologique. Les participants ont donc remarqué le changement mais ils réagissaient différemment selon qu’ils étaient experts en UST ou non. Chez ces derniers, une négativité s’est développée sur les régions frontales droites. Cette négativité présentait les mêmes caractéristiques que la N400 en terme de  polarité et de latence. Ainsi, contrairement à ce que nous avions supposé, c’était dans le groupe des non experts qu’apparaissait une N400. En revanche, dans la même fenêtre de latence, chez les experts se développait une positivité de type P3b (ces 2 composantes sont indiquées par des flèches sur la Figure 2).

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