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Expérience 2 : validation cognitive des MTP

Dans la première expérience, nous avons pu confirmer la validité des UST auprès d’auditeurs musiciens et non-musiciens, puisque ceux-ci étaient capables de différencier et de regrouper des extraits musicaux représentant la même UST. Une opérationnalisation différente mais complémentaire des UST repose sur leur synthèse en MTP, qui correspondent à un paramétrage de forme, d’amplitude et de durée pour les deux dimensions que sont la fréquence et l'intensité. La deuxième expérience présentée ci-dessous reposait elle aussi sur une tâche de catégorisation, mais la nature des extraits à catégoriser était différente, puisqu’il s’agissait soit d’extraits d’œuvres musicales existantes (comme dans l’expérience précédente), soit d’extraits joués au piano respectant strictement la définition donnée par les fiches du MIM, soit de MTP synthétisés par ordinateur. L’expérience a été conduite cette fois encore auprès de deux groupes de participants, musiciens ou non, qui ne connaissaient ni les UST, ni les MTP. La procédure expérimentale était la même que celle de l’expérience précédente, à savoir que le logiciel tirait au hasard au début de chaque passation 6 catégories d’UST, chacune représentée par 3 extraits musicaux tels que définis précédemment. Chaque participant était donc confronté à 18 extraits musicaux, représentés sous forme de billes, qu’il devait déplacer et regrouper selon leur déroulement temporel, à savoir la façon dont ces extraits évoluent dans le temps. Chaque groupe ainsi créé était censé représenter une classe de déroulement temporel.

Les résultats ont montré que les participants réalisent en moyenne 5.39 groupes, et plus particulièrement 6 groupes en moyenne pour les musiciens et 5.07 pour les non-musiciens. Rappelons que le nombre « idéal » de groupes, c’est-à-dire celui correspondant à un regroupement en UST, était de 6. La différence entre le nombre moyen de groupes effectués par les musiciens et les non-musiciens n’était pas significative.

Comme dans la précédente expérience, nous avons aussi calculé les fréquences de confusion et celles de reconnaissance. Rappelons que la fréquence de reconnaissance correspond au nombre de fois où un segment a bien été mis avec les autres segments de son UST. La fréquence de confusion quant à elle est la fréquence d’association erronée sur le nombre d’UST concernées. La fréquence moyenne de reconnaissance était de 0.44 pour les MTP, de 0.41 pour les segments joués au piano, et de 0.41 pour les extraits musicaux. On constate que les MTP avaient la fréquence de reconnaissance la plus élevée, même si la différence entre les fréquences de reconnaissance de ces trois types d’extraits n’était pas significative. De même, la fréquence moyenne de confusion pour les MTP est de 0.08, de 0.08 pour les segments joués au piano, et de 0.09 pour les extraits musicaux. Là aussi, les  analyses statistiques n’ont pas montré de différences significatives entre ces trois types d’extraits. Ainsi, il n’y avait globalement pas d’effet du mode de production d’un segment musical sur la façon dont il était regroupé. Le Tableau 1 ci-dessous donne, pour tous les participants confondus, pour chaque segment musical (en ligne), selon son mode production, à savoir MTP (1), joué au piano (2), ou extrait d'une œuvre musicale (3), la fréquence d'association avec les autres segments selon l'UST (en colonne).

Tableau 1. Fréquence d’association des segments MTP, joués au piano et extraits d’une œuvre  musicale pour les 15 UST (en ligne) avec les autres segments selon leur UST (en colonne). La fréquence de regroupement selon l’UST est en diagonale, les fréquences de confusion élevées sont en italique.

Ainsi, à part pour le segment joué au piano Sur l’Erre qui était plus fréquemment regroupé avec des extraits de l’UST Qui avance (0.29) qu'avec des extraits de Sur l’Erre (0.13), chaque extrait, quel que soit son type, était toujours plus fréquemment regroupé avec les extraits de sa même UST (fréquences en bleu en diagonale). Les UST les mieux reconnues étaient les USTs Contracté-Etendu, En Flottement, Elan, et Suspension-Interrogation, puisque quelque soit leur mode de production, les segments musicaux correspondants avaient une fréquence d'association avec les autres segments de leur UST supérieure à 0.50. Enfin, certains segments particuliers étaient très souvent associés aux deux autres segments de leur UST : c'est le cas du segment Contracté-Etendu joué au piano (0.84). D'autres segments étaient, en revanche, peu souvent associés aux extraits de leur UST, comme le MTP Obsessionnel (0.26), le Qui avance joué au piano (0.22) ou le En suspension extrait d’une œuvre musicale (0.24).

Deux UST avaient un fort taux de confusion. La première, Contracté-Etendu, possèdait un taux de reconnaissance global élevé (0.65), tout en étant souvent confondue avec Freinage (0.20)et avec Sur l’Erre (0.13) lorsqu’elle était simulée en MTP, et avec Suspension-Interrogation (0.41) lorsqu’elle était extraite d’une œuvre musicale. Il s'agissait probablement d'un effet du mode de production puisqu'il y a eu peu de confusion lorsqu’elle était jouée au piano. La deuxième UST qui a présenté une fréquence de confusion élevée était l’UST Trajectoire Inexorable qui obtenait une fréquence relativement correcte de reconnaissance (0.39), mais dont les segments musicaux étaient souvent regroupés avec ceux de l’UST Qui Avance, indépendamment du mode de production (à savoir une fréquence de confusion de 0.20 lorsque les extraits sont des MTP, 0.18 pour des extraits joués au piano, et 0.20 pour les extraits musicaux). De plus, le Tableau 1 montre que l’UST Qui avance présentait un faible taux de reconnaissance, et ses extraits se répartissaient sur presque toutes les autres UST. Ce résultat montre un manque de consistance de l’UST Qui Avance.

En résumé, les principaux résultats de cette tâche de catégorisation ont montré encore une fois, et conformément à nos hypothèses, qu’il n’y a pas de différence dans les regroupements réalisés par des musiciens et des non-musiciens. De plus, il n’y a pas de différence majeure dans le regroupement des extraits selon leur mode de production. Les différences proviennent plutôt des types d'UST : certaines sont mieux reconnues que d'autres, quel que soit le type du segment musical.

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