Les sons UPIC - CEMAMu et GRM

Les sons UPIC occupent une place très importante dans Pour la Paix. Répartis en 30 séquences de durée très inégale (de 0,5’’ à 5’37’’), ils totalisent 18’24’’, pour une durée globale de l’œuvre d’un peu moins de 27’. Bien que la commande émanait de Radio France, Xenakis a choisi de ne se servir que de sons UPIC, et de ne pas utiliser le GRM pour produire des sons, mais seulement pour le mixage final :

« La musique est essentiellement composée sur l’U.P.I.C. du C.E.M.A.Mu. Les interventions chorales ont été enregistrées à la Maison de la Radio. La bande finale a été montée et produite au GRM »,

écrit-il dans la notice. Dans un entretien qu’il m’a accordé, Yann Geslin (GRM) explique que, lors de la commande, on montra à Xenakis le studio 123 du GRM, très équipé pour l’époque, et qu’on lui proposa un stage pour le maîtriser, afin qu’il l’utilise pour composer. Cependant, Xenakis répondit qu’il était trop âgé pour cela. Geslin lui proposa alors d’être son assistant, mais François Bayle comprit qu’il n’avait pas envie de composer au GRM[1]. Finalement, Xenakis fut assisté par Daniel Teruggi, comme nous l’avons vu[2].

En ce qui concerne les sons UPIC, nous avons dit que leur composition s’est faite en deux phases. Pour reprendre l’extrait de l’entretien avec Teruggi :

« Xenakis avait 2 ou 3 bobines de son qu'il avait préparé préalablement, on a passé beaucoup de temps à écouter, prémixer et construire progressivement la continuité de l'œuvre. Mais il manquait plein de sons et c'est pourquoi il partait le soir assez tôt pour aller à l'UPIC fabriquer des nouveaux sons, cette fois-ci avec une fonction précise par rapport à la narrativité du texte »[3].

Pour les sons composés dans la deuxième phase, c’est-à-dire parallèlement au mixage avec les voix enregistrées, Teruggi précise :

« Les chœurs et les comédiens étaient là dès le départ, il faut beaucoup de sons pour tenir pendant 26 minutes, d'où le besoin de nouveaux sons en permanence »[4].

Enfin, à ma question de savoir s’il a contribué à la création ou aux traitements des sons UPIC, il répond :

« Pas du tout, je lui ai fait plusieurs propositions mais il n'en a jamais voulu. Il voulait que tous les sons soient UPIC, même des sons UPIC retraités GRM il n'en voulait pas »[5].

 

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[1] Yann Geslin, entretien oral, avril 2012. On connaît le passif de Xenakis avec le GRM, qui peut expliquer qu’il ne souhaita pas composer au GRM. Mais il ne faut pas sous-estimer le fait qu’il voulait travailler avec l’UPIC.

[2] « Composer Pour la Paix : ce fut l’une des mes premières expériences en tant que jeune compositeur assistant, travaillant avec quelqu’un qui, pour moi, avait une aura extraordinaire. Ce fut une longue expérience de travail […] travaillant jour après jour pendant plus de deux mois », écrit Daniel Teruggi (« Composing Pour la Paix: Il was one of my first experiences as a young composer assistant, working with somebody that, for me, had an extraordinary aura. It was a long working experience […] working day by day during more that two months », Daniel Teruggi, « Against Oblivition », op. cit., p. 30).

[3] Daniel Teruggi, entretien écrit (email), avril 2012.

[4] Idem.

[5] Idem. Il y a cependant les sons synthétiques qui accompagnent quelques séquences chorales (cf. ci-dessus).


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