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Retour pour soprano et petit ensemble (2003)

Circonstances de la création

Suivi de Enea (2003) pour neuf instrumentistes et d’une brève pièce pour deux flûtes, Ambre (2003), Retour fait partie des dernières pièces précédant le décès du compositeur. Écrite pour soprano solo et petit ensemble de 16 instrumentistes, d’après un poème du poète japonais mort prématurément, Nakahara Chūya 中原中也 (1907-1937), l’œuvre est une commande de l'État français. Dédiée à une compatriote et amie de longue date, la soprano Yumi Nara (2), cette œuvre a été créée à Lyon dans le cadre des « Journées Grame aux Subsistances » le 22 mars 2003 à la Salle Paul Gremeret par la dédicataire et l’Ensemble Orchestral Contemporain dirigé par Daniel Kawka. La partition est éditée par les Éditions Musicales Transatlantiques.

Le texte du compositeur précise : « Cette œuvre, pour soprano soliste et un petit ensemble orchestral de 16 instrumentistes, s’inspire d’un poème du poète lyrique japonais Chūya Nakahara. Un intermezzo vocal sans parole s’interpose dans la mélodie qui est composée de trois parties, chantée en japonais et en français. »(3)

La construction formelle

Le texte poétique sert de repère pour la distinction des parties musicales. Débutant par un son harmonique peu perceptible de la contrebasse dans un tempo très lent (noire à 30, puis 56), une petite introduction instrumentale de 12 mesures (jusqu’au chiffre 1) précède la première partie. Comme très souvent chez Taïra, les éléments principaux sont exposés déjà dès le début. Dans cette introduction les emplois caractéristiques comme les intervalles de seconde et de septième dans la structure horizontale et verticale, la répétition sur une note avec des rythmes variés etc., se retrouvent. Le son oscillant de la flûte prépare l’entrée de la partie solo de la voix.

Sans compter le changement du tempo et des chiffrages indicateurs, nous proposons ici un tableau de la division formelle afin de visualiser la fragmentation et la durée de chaque partie.

1ere partie
du début jusqu’au chiffre 6
2e partie
du chiffre 6 à la 5e mesure du chiffre 15
3e partie
du chiffre 15 jusqu’au chiffre 20
4e partie
du chiffre 29 jusqu’à la fin
77 mesures dont 12 de l’introduction et 65 du poème chanté en japonais 102 mesures :
intermezzo vocale sans parole
47 mesures dont 10 de deux vers en français, 13 de l’ensemble instrumental seul, 13 de vocalise et 11 de deux vers en japonais 69 mesures : le poème entier chanté en français

Tableau 2 : Division formelle de Retour de Taïra

La première partie où le poème entier est chanté en japonais forme une sorte de construction en miroir avec la dernière partie où il est chanté en français. Les deux parties centrales expriment un sentiment de conflit, sentiment cher à Taïra. La deuxième partie demeure un véritable cri par l’expression de la vocalise « Ah » de la voix et par l’écriture musicale dense et tendue entre la voix et l’ensemble instrumental. Quant à la troisième partie, divisée en trois sections, elle est fondée sur une sorte de concurrence : la première section où les deux vers chantés en français rivalisent avec la troisième section où les deux autres vers sont chantés en japonais, le passage de l’ensemble instrumental à l’intervention de la voix. Malgré cette troisième partie riche en éléments d’opposition, le point culminant se trouve néanmoins à la fin de la deuxième partie, deux mesures avant le chiffre 15. La tension accumulée par tout l’ensemble jusqu’ici pousse la soprano à atteindre un son dans le registre aigu : le si4 bémol(4). Le déclenchement de la deuxième partie s’annonce très nette : après un silence de rupture à la fin de la partie précédente, un coup d’attaque tutti de l’ensemble instrumental en simultané avec le cri « Ah » de la voix, le tout dans une nuance fortissimo, affichent l’atmosphère très tendue de cette partie.

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2 Yumi Nara, soprano d’origine japonaise, réside à Paris. Elle développe depuis 1985 une carrière internationale avec un répertoire allant de Monteverdi à l’avant-garde. Beaucoup de compositeurs écrivent spécialement pour elle. Citons ici Y. Matsudaira, C. Chaynes, Nguyen-Tien Dao, M. Decoust, P. Dusapin, J. - C .Éloy, P. Criton, C. Schapira, Y. Taïra, A. De Sousa Dias, J. Antunes, D. Rotaru. Son CD « Mélodies de Debussy » a reçu le ‟Choc” du Monde de la Musique en 1999.

3 Le texte présenté ici a été rédigé par nous sous l’indication du compositeur lors de la préparation de note de programme du concert pour la création à Lyon.

4 Nous adoptons la convention selon laquelle le la du diapason est affecté de l’indice 3.