2. Dans la trace du sillon
Si évolution il y a en musique par les outils numériques interactifs, elle ne peut être appréciée que si on prend en compte le bouleversement profond qui l’a précédé de quelques décennies à peine, à savoir l’apparition de l’enregistrement sonore et sa diffusion à large échelle.
Le changement le plus flagrant fut sans doute dans les conditions de l’écoute musicale : contrairement à il y a à peine un siècle, où toute musique devait être jouée in situ pour être entendue, les neuf dixièmes de celle que nous écoutons aujourd’hui quotidiennement proviennent d’enregistrements, dont peut-être la moitié est associée à des images.
Il y déjà longtemps que le temps de ce que nous entendons a pris une valeur implicitement relative (à la radio, sur disque, cassette, au cinéma, à la télévision, aujourd’hui sur internet) par rapport à celui de la musique qui se crée devant un public ou dans la vie en général, avec toutes les mises en abîme que cela peut entraîner : entendre et montrer un orchestre au cinéma, mettre sur scène un poste de radio ou une projection vidéo, etc.
La pratique musicale, de la composition ou de l’instrument, est elle-même aussi fortement influencée depuis un demi-siècle au moins par la trace enregistrée : les idées musicales circulent, leur mise en œuvre sonore surtout se transmet, jusqu’à en devenir la forme de référence (rôle du microsillon puis du cd), la matière d’une re-création (sampling, remix) ou même la seule forme de l’œuvre (électroacoustique) : l’industrie musicale a profondément changé de nature depuis les premières partitions imprimées.
La confrontation des dimensions du temps vécu, écrit et capté a été au cœur de l’évolution musicale tout au long du vingtième siècle.