3. Le temps fragmenté

Les médias numériques, sonores ou audiovisuels, viennent aujourd’hui remplacer, pour des raisons apparentes de qualité du signal, des médias électromécaniques moins précis, moins recopiables, moins accessibles, mais plus linéaires et plus stables.

Cette différence de matérialité du signal sonore numérique pourrait faire figure d’épiphénomène après de si grands bouleversements, si l’usage de l’ordinateur et du système informatique en général en tant que vecteur de la production et de l’écoute ne venait provoquer une nouvelle rupture.

Dans un ordinateur, le temps est dit « réel », ce qui n’est jamais tout à fait vrai. En fait, il n’existe que sous forme d’attente que les choses soient faites ou qu’il y en ait d’autres à réaliser.

De la même façon que la musique vécue génère un temps intérieur, que la musique écrite génère un temps projeté et que la trace sur support génère un temps continu, la musique sur ou par l’ordinateur génère un temps dicté par une « logique événementielle » que l’on peut qualifier d’algorithmique.

Le fil temporel linéaire, si précisément consigné dans la notation, si fidèlement garanti par la bande magnétique, n’existe plus que comme un cas parmi d’autres de comportement.

Le temps est éclaté, ce qui offre de nouveaux horizons, en particulier celui de la micro-temporalité, puisqu’on peut opérer algorithmiquement très finement jusqu’au niveau de l’échantillon, en abolissant la discontinuité temporelle entre le rythme et le timbre.

Tous les efforts vont tendre à capturer, organiser et reconstituer le temps musical, selon des protocoles nouveaux (en particulier par la représentation graphique) mais aussi issus des pratiques existantes, qui auront une influence déterminante sur la création.

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