3.3. Narrativisation
Processus de narrativisation corporelle
On trouve dans les productions en général assez peu d’indicateurs de narrativisation corporelle dans les discours des sujets, l’ensemble des occurrences se regroupant principalement autour du thème de la relaxation.
Il a été impossible de contrôler plus en avant ce type de processus, pour lesquels la méthode la plus adaptée aurait peut-être été le croisement du discours des auditeurs avec des mesures électropolygraphiques.
Processus de narrativisation sémiotique
On observe une différence nette de conscience critique entre les valeurs symboliques attribuées aux sons (de manière très consciente, comme la remarque que l’extrait traite de la question du temps ou que le « bébé » symbolise la vie) et les caractérisations sémantiques accordées aux sons (beaucoup moins consciemment, ce qu’on peut observer dans l’association du chant au religieux par exemple, ou à la Chine via l’identification des paroles comme étant du chinois).
La production du sujet aE3 semble être limitée à une sémiotique conceptuelle, refusant toute influence proprioceptive ou écologique pour se cantonner à des considérations de masse et de forme. Son discours sur son écoute fait d’ailleurs ressortir l’heuristique de l’écoute réduite passant directement du son à sa description qualitative - avant toute considération autre, selon lui.
Enfin, l’influence des données verbales, si elle n’est pas détectable dans les productions sans demande d’un titre (et étant donné qu’aucun titre n’était indiqué au sujet pour l’extrait écouté ou la pièce dont il était tiré), semble en revanche être manifeste à partir du moment où le sujet donne lui-même un titre à la pièce, élaborant alors souvent autour de ce thème – cela demanderait cependant des examens spécifiques des données verbales, qui n’étaient pas l’objet de ce travail.
Processus de narrativisation écologique
On a pu observer :
deux formes d’ « eventisation » (c'est-à-dire de définition d'un événement sonore comme étant autonome quant à son énergie) :
- une forme abstraite avec la caractérisation du « souffle » comme fond et/ou trame ;
- une forme référentielle avec la considération du « souffle » comme évoquant le « vent ».
trois formes d’ « objétisation » (c'est-à-dire de définition d'un événement sonore comme étant soumis à un apport externe d'énergie) :
- les « cloches » (et parfois le « chant ») ont souvent été « instrumentalisées » (devenant alors des instruments de musique, ce qui a fait évoqué la musique mixte par deux experts) ;
- dans leur association avec le « souffle » appelé « vent » ou « orage », les « cloches » sont devenues « carillon » ou « nacres », suggérant une objétisation « après-coup » liée à l’identification du vent et à l'établissement d'une relation avec les « cloches » ;
- les « escaliers » et le « papier » ont parfois joué le rôle d’ « indices sonores matérialisants » : le caractère non-intentionnel de ces sons révèle dans ce cas la présence d'un agent mobile.
une seule forme d’ « agentisation » (c'est-à-dire de définition d'un événement sonore comme émanant d'un être conscient, voire humain, et potentiellement agentique) :
- le « bébé » a presque systématiquement été « humanisé », tandis que le « chant » a parfois été humanisé « après-coup » (cela étant manifeste dans le fait que les participants, lorsqu’il était humanisé, l’associaient systématiquement aux « escaliers » et au « papier », oubliant de caractériser la présence du « chant » lors du début de l’extrait) ;
- l’ « anthropomorphisation », en tant qu'attribution au son d'une volonté et d'une autonomie de mouvement, ne semble pas avoir été présente.
quatre formes de « diégétisations » (c'est-à-dire de construction mentale d'un monde imaginaire englobant un certain nombre d'événements sonores) :
- deux types de diégèses « externes » relevant d’associations fonctionnelles ou technologiques, ou encore d'une mémoire subjective ;
- une forme de diégèse « indépendante » (non-référentielle) qui n’est apparente que rarement dans les productions verbales (ce qui est peut-être dû à la plus grande facilité verbale pour décrire un environnement référentiel, ou au caractère très référentiel de plusieurs sons composant l'extrait) ;
- une forme de diégèse « référentielle », la plus répandue, mettant en jeu des lieux, temps et situations définis.
L'établissement de liens de causalité entre des événements sonores coexistants semblait, dans le cas des diégèses référentielles et indépendantes, être un élément structurant dans la construction diégétique, qui pouvait aller jusqu’à la mise en histoire lorsque les relations étaient poussées plus loin. Pour les diégèses référentielles, la sémiotique associative (c'est-à-dire des associations plutôt involontaires, automatiques, de l'ordre de la synesthésie culturelle ou du cliché) tenait aussi une grande place dans la construction diégétique.
Enfin, la diégétisation fonctionnelle, ramenant l’extrait entendu à une bande sonore d’un support visuel, était accompagnée d’une segmentation entre le diégétique et l’extra-diégétique (c'est-à-dire d'une différentiation entre les sons faisant partie intégrante du monde spatio-temporel, et les sons y étant extérieurs).
Narrativisations mixtes
Trois constructions relevant d’un mélange de processus de narrativisation retiennent l'attention.
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