3.4. Hypothèses

 

  1. Les processus de narrativisation observés lors du test préliminaire (et notamment ceux qui sont relatifs à l'identification sonore) se retrouveraient ici et seraient pondérés par l’évolution du contenu du monde musical (principalement par le critère de présence de la voix).

La première hypothèse est partiellement validée par les résultats obtenus. En effet, la plupart des processus de narrativisation écologique extraits du test préliminaire (notamment l'identification sonore "après-coup" qui s'est révélée être une attribution de caractères humains ou de caractères d'objet à une unité sonore à partir de sa relation avec d'autres sons, plutôt qu'une reconnaissance tardive de la source sonore) ont pu être à nouveau observés ici.

Aucune anthropomorphisation ou objétisation abstraite notable ne se sont présentées, si ce n’est la mention d’événements ponctuels sur une base circulaire par l’un des sujets. Peut-être ces processus ne sont-ils pas réellement adaptés à l'écoute de pièces clairement référentielles.

La présence de voix trouve un rôle particulièrement important, bien que ce rôle soit parfois pondéré par la présence d’indices matéralisants comme dans le cas de l’association entre le « chant », l’ « escalier » et le « papier » - pour laquelle ce sont les deux derniers qui permettent d'attribuer un rôle humain à la voix. Ces unités sonores tiendraient dans ce cas le rôle d’ « indices sonores matérialisants ».

Pour ce qui est des processus de narrativisation sémiotique, ils se sont manifestés à travers des productions plus rares. Les processus de narrativisation corporelle étaient encore plus difficiles à mettre en évidence – bien qu'on puisse observer chez plusieurs sujets un discours sur la réception.

 

  1. Les différents niveaux de focalisation seraient apparents dans les productions des participants et dans leur discours sur leur écoute, et seraient révélés par la présence de divers processus de narrativisation.

La deuxième hypothèse est partiellement validée, bien que la question des plans de focalisation reste ouverte du fait du nombre réduit de productions sur la conscience que les sujets ont de l’orientation de leur propre écoute. Il est cependant clair que les narrativisations corporelles (manifestes dans les discours sur la réception, notamment sur la relaxation), écologiques (révélées par le nombre important de diégèses contenant des existants ainsi que par les quelques récits et les considérations technologiques obtenues) et sémiotiques (mises en évidence dans les discours des sujets experts discutant des qualités du son, de la forme et du développement musicaux) sont des possibilités et recouvrent partiellement les écoutes empathique (self-orientation), figurative (imaginary realms) et taxonomique (structural attributes) de Delalande (et Anderson), la quatrième orientation d’Anderson (sonic properties) correspondant à une catégorie cognitive qui mériterait d’autres développements.

 

  1. L’expertise des auditeurs en musique électroacoustique jouerait un rôle dans l'orientation initiale de la narrativisation.

La limitation aux experts ayant exprimé clairement leur choix s’applique de même à notre troisième hypothèse, qui si elle ne peut être validée telle quelle, peut être reformulée.

L’expertise des auditeurs en musique électroacoustique joue effectivement un rôle modérateur dans le déroulement du processus d’écoute et dans la gestion des processus de narrativisation, cela étant mis en évidence par une conscience plus grande de leur discours et de leur écoute par rapport aux non-experts. L’extension de la définition du « musical » et l’habitude de la pluralité des niveaux d’écoute semble leur permettre d’appréhender l’écoute avec plus de recul et de contrôle - ce qui ne signifie pas nécessairement que l'écoute elle-même soit différente pour eux, mais qu'elle leur soit peut-être plus accessible.

 

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