Les sons UPIC - Relation au texte

La seconde chose qui frappe, c’est le côté illustratif d’une partie de ces sons. Le genre de la création radiophonique semble l’imposer : les narrateurs lisent le texte, les sons UPIC, dans une large partie, illustrent des parties du texte. Dans la mesure où certaines séquences sont très brèves et s’intercalent juste après une phrase pour l’illustrer, la pièce produit même un effet qui peut la desservir. Quoi qu’il en soit, Xenakis s’est totalement laissé allé à sa veine descriptive, peut-être plus que dans n’importe quelle autre pièce. À la remarque de Bálint Varga : « La matériau UPIC finit toujours brutalement, comme s’il était coupé », Xenakis répond : « Oui, il s’agit d’une sorte de commentaire entre des phrases et il illustre indirectement le message des mots »[1]. On pourra parler de sons illustratifs, descriptifs ou figuratifs ; on pourrait également utiliser l’expression « commentaire sonore » que Xenakis utilisait pour l’Orestie[2]. Comme il a été dit, le premier travail consista d’abord à faire le collage des textes choisis de Françoise Xenakis. Puis, il ajouta quelques indications sur la musique. Ces indications vont souvent dans le sens de l’illustration.

Dans le tableau de l’exemple 17, après la description verbale d’un son, je précise s’il peut être mis en relation descriptive avec le texte : le cas est fréquent. Quelques exemples : dans la séquence 2

, les sons hachés du début et de la fin illustrent merveilleusement les phrases « Par phrases hachées » ou « Là où l’on pend, fusille, massacre » ; la très brève séquence 4

, avec son son glissé bruiteux pourrait illustrer les mots « le sable les recouvre » ; les sons ressemblant à des voix de la séquence 18

, évoquent bien le « rictus de joie » dont il est question dans le texte (le même son, transposé, dans la séquence 22

, illustre le « il rit ») ; dans la séquence 29, la partie entre 00’29’’ et 1’28’’

pourrait correspondre au texte « les bulles c’est le fond de l’étang qui s’entrouvre ».

Néanmoins, tous les sons UPIC ne sont pas illustratifs. Des séquences entières constituent plutôt de la musique pure. C’est le cas de la première

, qui dure 1’. Quant à la séquence très longue, la 29e (5’37’’), s’il y a des passages descriptifs, d’autres ne le sont pas : c’est le cas notamment de la longue fin (à partir de 3’06’)

qui prépare l’explosion finale, dont le rôle est plutôt dramatique : à travers un son stable, elle provoque une attente angoissée.

 

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[1] Varga : « The UPIC material has a way of ending abruptly, as if cut off ». Xenakis : « Yes, it’s a kind of comment in between sentences and it illustrates indirectly the message of the words » (Bálint A. Varga, Conversations…, op. cit., p. 172).

[2] Cf. Iannis Xenakis, « Notice sur l’Orestie », Sigma 3, s.d. (1966).


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