Martin Laliberté
La théorie des cordes de Machine Molle

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Martin Laliberté, Université de Marne-la-Vallée

« De ce point de vue, l’univers serait… de la musique ! Une musique dont les notes formeraient une symphonie plutôt que de bruit… »
_ Machine Molle

Le site http://www.culture.fr/surprise_du_mois/avril/index.html propose une œuvre multimédia au titre intrigant par une société de production et de post-production au nom évocateur.

Cette œuvre croise plusieurs références : principalement un bref exposé d’une théorie de la physique ayant le vent en poupe[[Pour une présentation complète et abordable voir Green, Brian L’univers élégant, Traduit de l’anglais par Céline Laroche. Paris, Robert Laffont, 1999 p. 157. Plus complet et mathématique Schwarz, Patricia, http://superstringtheory.com/.]], différents types de graphismes en 3D et de fragments d’un morceau du groupe Air.

L’œuvre se veut un peu interactive. En cliquant sur les six sections du graphisme principal – une forme aux couleurs organiques illustrant parfaitement la notion de « machine molle » de Burroughs – on ouvre des fenêtres où des objets filaires blancs sur fond noir s’animent au gré de courtes boucles musicales. Ces objets sont issus de recherches physiques ou mathématiques (les « pantalons » de Hawking et Penrose, par exemple, ou des sphères survolant des topographies accidentées). Certaines de ces formes sont modulées par la musique, assurant une certaine cohérence entre l’image et le son. Les graphismes en blanc sur noir sont issus d’une vidéo produite par cette société, réalisée par R. Ganzerli, L. Bourdoiseau et J. Blaquet.

Les fragments musicaux sont extraits de Electronic Performers (2001) du groupe Air[[Voir http://www.infratunes.com/presentation-groupe_109_Air.html]] ; ils croisent une rythmique raide évoquant clairement Kraftwerk, et des ambiances plus harmoniques rappelant Yes, le premier Genesis ou Tangerine Dream, sans oublier le nom du groupe traduisant la Soft Machine contemporaine des premiers. L’effet d’ensemble et la qualité sonore bien actuelle situent ces extraits dans la nébuleuse Techno. Si la production musicale se montre satisfaisante et compétente – le morceau principal est assez agréable -, on peut toutefois s’interroger sur le lien de ces musiques un peu « inquiétantes » avec le sujet apparent : la « symphonie des supercordes »[[Trinh, Xuan Thuan Le chaos et l’harmonie, Paris, Folio, coll. « Essais », 1998.]]. Le seul lien réel que je discerne est la modulation complexe des sphères par la musique.

Au final, je ne suis pas réellement déçu par cette œuvre ; je partage l’enthousiasme des auteurs pour la théorie des supercordes et ses résonances musicales. Toutefois, ce projet serait nettement plus abouti si la musique avait été moins consensuelle et plus en lien avec la source de son inspiration. Une démarche plus créative qu’un montage de clichés « spatiaux » ou « cosmiques » des années 1970, même remis à jour par la technologie actuelle, irait beaucoup plus loin. S’il s’agit bien d’un recyclage d’une musique et d’une vidéo conçues sur un tout autre thème, on comprend mieux l’effet un peu artificiel de l’ensemble.

À voir, par curiosité.