Séance 3

Intersémiotique du visuel et du sonore

Vendredi 13/03/2015 13H30 – 17h30 salle D040
Coordination de la séance : Jean-Marc Chouvel et Marina Maluli

La sémiotique est l’exemple d’une méthode analytique qui a saisi très tôt l’intérêt d’une transversalité entre les arts. Comment s’organise l’interopérabilité des signes entre le visuel et le sonore ? Que pouvons-nous apprendre des situations où l’intersémiotique est indispensable, comme l’esquisse préalable, la notation graphique de la musique, etc. ?


Marina Maluli
Aspects cursifs et recursifs dans la notation graphique

L’objectif de notre présentation sera de comprendre quelques aspects de la pensée des compositeurs qui ont choisi une notation non-conventionelle pour écrire sa musique. A partir de l’analyse des manuscrits et de différentes éditions des oeuvres choisies, on essayera de démontrer comment la cursivité et la récursivité dans l’expression sonore et visuelle se trouvent sensibilisés dans ces différents langages selon le point de vue de la sémiotique tensive. Ces deux concepts, liés à la notion même d’oeuvre d’art peuvent non seulement nous aider à comprendre quelques relations établies entre les arts, mais aussi à démontrer le fort lien entre la pensée et l’écriture du son.

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Pierluigi Basso Fossali
Le geste sonore dans le multi-verse acoustique. Énonciation musicale et environnement médiatique

De la fosse qui donne une position invisible à l’orchestre dans les salles de théâtre à The unanswered question de Charles Ives, qui prévoit les instruments à corde dans les coulisses, la musique moderne à explorer l’idée de cacher de plus en plus l’instanciation sonore, ce qui a favorisé, de manière paradoxale, une imaginaire gestuel. Comme Xenakis a toujours souligné, la musique électronique, même si acousmatique, semble signifier des interventions productives. A cette énonciation gestuelle « résistante », on peut ajouter les caminantes de Luigi Nono, à savoir, sur le plan de l’énoncé musical, la circulation spatiale des sons détachés et autonomisés par rapport aux pratiques instrumentales en acte, à cause des phénomènes d’asynchronie et de transformation (live electronics). La « tragédie de l’écoute » semble conquérir un espace dramaturgique abstrait et la présence des spectateurs trouve une justification qui dépasse la virtuosité « visible » des exécuteurs. Ces derniers sont engagés le plus souvent dans une relation physique, presque intime, avec l’instrument, et seulement une transposition dans une image sonore « spatialisée » peut devenir de nouveau un interprétant possible de l’œuvre. L’invisible devient une condition d’accès à un véritable voyage dans le son, de sorte que, même sur le plan de la composition, on peut commencer à structurer des rencontres avec la matière sonore et à négocier des approches innovatrices à l’écoute. La marginalité sociale de la musique contemporaine a lui permis une certaine émancipation par rapport au monde médiatique, ce qui a favorisé paradoxalement une réflexion – peut-être la plus originale – sur la notion de remédiation. En ce sens, le filtre technologique n’a que la fonction d’explorer des conceptualisations inédites du temps acoustique, voire une inclinaison à transformer la musique dans un art de l’espace (installation).


Jean-François Bordron
Le son comme fait sémiotique

On essaiera de montrer comment un paysage sonore, dont on pourrait attribuer la teneur essentielle à une source naturelle, peut également être compris comme un domaine sémiotiquement constitué. Pour ce faire, nous réfléchirons sur le caractère sémiotique de la perception en général et sur celle des sons en particulier.


Veronica Estay-Stange
Voire et entendre : convergences haptiques

Une question particulièrement prégnante pour la sémiotique contemporaine est celle des conditions de transposition du concept d’énonciation, à partir de son domaine de référence, la linguistique, à des langages autres que le verbal, et en particulier à l’énonciation visuelle et musicale. En revenant sur cette problématique, nous développerons l’hypothèse d’un substrat haptique (c’est-à-dire gestuel et tactile) de l’énonciation commandant les diverses formes d’avènement du sens, qu’il s’agisse de sa manifestation dans la parole en situation, ou de son surgissement dans la perception. Cette hypothèse nous permettra, d’une part, d’aborder les rapports entre énonciation et perception, et, d’autre part, d’explorer les échanges entre le verbal, le musical et le visuel. Comme nous essayerons de le montrer, ces différents domaines trouveraient dans l’haptique leur point de convergence et même la source de leurs paramètres énonciatifs.


 

Séance 2

Perception sonore – perception visuelle : quelle cohérence cognitive ?

Vendredi 13/02/2015 13H30 – 17h30 salle D040
Coordination de la séance : Jean-Marc Chouvel et Philippe Lalitte

Une des questions fondatrices de la revue musimediane était d’interroger l’apport du multimédia pour la pratique de l’analyse musicale. La synchronisation du signal acoustique et du message analytique, la possibilité de visualisation « simultanée » de divers types de représentations permettait a priori de rapprocher le message analytique de la perception sonore. Mais un message multimodal n’a pas la même implication cognitive qu’une écoute musicale aveugle, même si cette dernière peut aussi générer parfois une activité intérieure « imagée ». Certes, un concert est un « spectacle vivant », et l’auditeur veut « voir le pianiste jouer ». Mais que pouvons-nous savoir des bénéfices, ou des interférences, que la combinaison du visuel et du sonore impliquent pour la cognition ?


Kevin Dahan
Sur la question des représentations numériques pour l’analyse musicale

Il est possible de grouper les différentes stratégies de représentation de la musique développées pour l’analyse en deux familles : celles qui se basent sur une quantification et/ou une formalisation de divers aspects du message, et celles cherchant à mettre en avant des éléments plus qualitatifs, s’appuyant souvent sur le phénomène perceptif du sonore. Cette tendance, ancienne, est devenue plus complexe par l’apport de la technologie, et la facilité de traitement de l’information qu’elle procure. Les outils numériques appliqués à la musique, jusqu’aux avancées les plus récentes en apprentissage automatique et en recherche d’information, contribuent à enrichir les possibilités de représentations (textuelles, graphiques, sensorielles) à disposition de l’analyste. Face à la multiplicité des possibles, celui-ci se retrouve dans la position d’employer des représentations de plus en plus attrayantes, mais qui encapsulent des informations de plus en plus complexes – allant jusqu’à l’interprétation.

On questionnera alors les liens cognitifs qui façonnent dans un environnement numérique, la relation entre le message musical, ses manifestations, ses représentations et son analyse, particulièrement dans le cas des musiques sans support écrit préalable ; nous verrons ce qu’il est possible d’en tirer afin d’améliorer tant les stratégies de représentations que la compréhension des interactions entre un fait musical et son (ses) analyse(s) dans un contexte technologique.


Michel Imberty
De la figure au geste, de l’espace au temps

La notion de geste est souvent utilisée de manière métaphorique dans les discours sur la musique. Cet usage recouvre bien des ambiguïtés, tant sur le plan musical que sur le plan cognitif. Le geste part évidemment du corps, il est mouvement du corps ou d’une partie du corps qui se meut dans l’espace, mais aussi dans le temps. Il y a bien une forme spatiale du geste que je peux décrire, voire tracer sur le papier, mais cette forme ne peut se manifester que déployée dans le temps, elle n’a de réalité que dans le temps, celui de l’acte moteur qui l’engendre. Le geste est donc d’abord caractérisé par le profil temporel du mouvement qui en est le support. Mais le geste ne se réduit pas à ce mouvement, et d’ailleurs tout mouvement n’est pas geste. Le geste doit être défini comme un mouvement intentionnel plus ou moins complexe, orienté vers un but déterminé qui lui donne un sens individuel, social ou historique.

Les psychologues ont tenté de comprendre cette ambivalence du geste à travers les phénomènes d’imitation ou d’apprentissage. Les compositeurs ont eux aussi apporté leur contribution, et on essaiera d’articuler les deux points de vue en partant du livre de Salvatore Sciarrino dont le titre pose les termes mêmes de l’ambivalence espace-temps dans l’histoire de la musique. On se rendra compte que le terme de « figure » proposé par le compositeur est en réalité complètement imprégné de « formes temporelles » dont on pourra essayer de préciser les contours.


Jean-Michel Boucheix
Compréhension, mémoire et intégration cognitive multimodale : approche expérimentale et eye tracking

Analyser, comprendre  c’est former une représentation unique ou cohérente du contenu présenté à partir d’un ensemble d’informations sensorielles multiples : texte, image, sons, et parfois  information haptique. J’essaierai de montrer à partir des travaux récents en psychologie cognitive/expérimentale, et de mes propres recherche qui utilisent l’analyse du mouvement des yeux,  les conditions d’une intégration sensorielle « efficace » à partir des modèles de la la mémoire de travail et de la cognition incarnée.  Je centrerai l’exposé surtout sur l’intégration image-écrit.


Olivier Koechlin
Experiences et perspectives du multimedia interactif pour l’analyse musicale

Cette présentation propose une approche interactive de l’analyse musicale, à travers l’expérience de différentes réalisations multimedia menées depuis ces vingt dernières années.

On présentera d’abord Les Musicographies, une série de dix transcriptions graphiques réalisées en 1996 pour l’INA-GRM sur des musiques traditionnelles, improvisées ou contemporaines, explorant différents types de représentations (schématiques ou sonographiques, linéaires ou circulaires, etc.).

On présentera ensuite le Gamelan Mécanique, réalisé avec Kati Basset en 2004 pour la Cité de la Musique de Paris, qui permet de comprendre et de mettre en œuvre les mécanismes du répertoire de cet instrument-orchestre indonésien, grâce à un veritable simulateur interactif particulièrement réaliste.

On présentera enfin metaScore, un outil auteur pour la réalisation et la publication de documents d’analyse interactifs, développé depuis 2004 pour la Cité de la Musique de Paris, qui l’a utilisé pour le production de nombreux Guides d’écoute. Cet outil permet la synchronisation d’hypertexte et de graphismes animés avec l’écoute interactive d’une œuvre. Développé initialement en format shockwave, il est actuellement en cours de ré-écriture au format HTML5.

Ces trois exemples, illustrant des genres musicaux très divers, conduiront à une reflexion sur les questions de représentation du phénomène musical, d’anticipation dans les processus de lecture, de segmentation temporelle (pagination), et à proposer une méthodologie d’écriture et une ergonomie de consultation des documents d’analyse musicale interactive.