Editorial

Ce numéro 6 de la Revue Musimédiane, intitulé « Musiques interactives et improvisation », n’a pas pour ambition de proposer une classification des projets ou réalisations pour ensuite mettre en évidence différents régimes d’interactions musicales, pas plus qu’il ne prétend répertorier la diversité de ces régimes actuels ou possibles.

Traitant d’une question maintes fois abordée, nous sommes convaincus qu’il convient de rapprocher encore et encore des expériences empiriques pour que des recoupements comparatifs puissent germer, et partant, de nouvelles théories affleurer.

C’est dans cet esprit que nous avons suscité des contributions émanant de musicologues ou de musiciens et traitant de sujets aussi éclectiques que la métaphore des collections figurales pour la synthèse sonore, la composition et l’exploration multimédia, l’influence des outils numériques sur le temps musical, le pilotage de musiques improvisées par des outils de gestion bureautique, la refondation interactive d’œuvres, l’analyse d’œuvres interactives, la préservation d’œuvres interactives par des méthodes de reconception proches du reverse-engineering des industriels. Que ces musiques relèvent de conditions de possibilité fortement techniques ne sera pas sans intérêt pour le lecteur de Musimédiane, revue d’analyse musicale avant tout : il faut parier que la compréhension des contingences et possibilités technologiques ouvrira le champ à des démarches analytiques originales.

L’idée directrice est d’entretenir l’excitation de nos communautés de recherche et de création autour de cette question directrice et stimulante des musiques interactives.

Nous accueillons également deux articles hors thématique dans ce numéro : le premier, par François Giroux, consacré au Trio à cordes opus 45 de Schoenberg, sur le thème de la mémoire et de l’oubli ; le second, que nous devons à Grégoire Carpentier, pose les prémisses d’une orchestration assistée par ordinateur.

François Giroux
Mémoire et oubli dans le Trio à cordes op. 45 : traces de l’énergie des paradoxes dans la pensée musicale de Schoenberg

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Loin de se réduire avec l’effacement du centre tonal, la réflexion exercée par Schoenberg sur le phénomène de la tonalité s’accroît considérablement avec l’émancipation de la dissonance. Bien après l’invention de la « méthode de composition avec douze sons », les conceptions tonales de Schoenberg se sont singulièrement confortées et élargies, et certaines œuvres appartenant à sa dernière période créatrice recherchent de nouvelles fusions de la consonance et de la dissonance.

Dans le Trio à cordes op. 45 en particulier, Schoenberg parvient à retrouver au sein de la musique à douze sons une énergie qui produit des résonances avec les fonctions structurantes que la tonalité était à même d’organiser. Seule, cette dernière ne peut plus assumer la tension à l’échelle de l’œuvre. Cependant, suggestions et réminiscences tonales continuent à produire des signes, eux-mêmes condensés d’une ancienne énergie. L’un des gains indubitables est la création d’une musique prenant en charge ces tensions et cette énergie.

Grégoire Carpentier
Aide logicielle à l’orchestration : Un état des lieux

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Nous présentons dans cet article un ensemble de technologies récentes dédiées à l’assistance logicielle à l’orchestration. Conçus et développés à l’IRCAM depuis 2005 et aujourd’hui utilisés par de nombreux compositeurs, ces outils offrent un nouvel éclairage sur l’exploitation de connaissances musicales issues du signal audio à des fins de composition.

Sont notamment abordées les questions de leur interaction avec les variables traditionnelles de l’écriture musicale, et du respect de la subjectivité du compositeur. Des exemples concrets tirés de situations musicales réelles illustrent ces concepts. Ces discussions sont enfin l’occasion d’une réflexion sur le problème complexe de l’écriture du timbre en informatique musicale.

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In this article we present a set of recent technologies dedicated to computer-aided orchestration. Having been designed and developed since 2005 at IRCAM and now being used by a wide community of composers, thèse tools shed a new light on the use of signal-based musical knowledge in composition. We discuss the interaction of audio data with traditional musical symbolic data and address the issue of preserving composers subjectivity, providing readers with concrete examples drawn from real-life musical situations. These considerations also lead to generic questions regarding the complex problem of using computers for timbre writing.