Clément Canonne
Le piano préparé comme ‘esprit élargi’ de l’improvisateur : Une étude de cas autour du travail récent d’Ève Risser

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Afin de comprendre la manière dont la préparation du piano pouvait modifier la pratique de l’improvisation, nous avons documenté en audio et en vidéo cinq improvisations de la pianiste Ève Risser – deux en solo, deux avec un musicien avec lequel elle n’avait jamais joué auparavant, et une avec un musicien avec lequel elle improvise régulièrement. À l’issue de chacune de ces performances, et à partir du visionnage de l’enregistrement de l’improvisation, la pianiste s’est livrée à une séance de verbalisation dans laquelle elle devait tenter de restituer les diverses pensées qui l’avaient traversée dans le cours de l’improvisation. Ces données ont été complétées par deux entretiens avec la pianiste et par l’examen de différents carnets de notes prises par Ève Risser entre 2008 et 2010, dans lesquels celle-ci documente son travail du piano préparé.

Nous montrons ainsi que le travail de préparation du piano peut être lu comme une matérialisation progressive d’un répertoire timbral, les sons étant systématiquement associés à des objets, et réciproquement. Au final, c’est l’instrument lui-même qui, dans le temps long du travail de l’improvisateur, se trouve progressivement modifié : dépositaire d’une information musicale qui se sédimente au fil des expériences, l’instrument se fonctionnalise, se structure, s’organise, bref devient dispositif d’improvisation à part entière. Ainsi transformé, l’instrument participe de manière essentielle à certains processus cognitifs du musicien, pour devenir partie intégrante de « l’esprit élargi » de l’improvisateur.

Sandrine Baranski
Proposition pour une transcription multimédia complexe des œuvres électroacoustiques

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L’objet de cet article est de proposer une nouvelle approche de l’analyse musicale dans le domaine de la musique électroacoustique. Cette proposition est le résultat d’un parcours que j’ai effectué depuis les années 2000, durant lequel j’ai d’une part, composé et analysé des œuvres de musique électroacoustique et d’autre part, réalisé des travaux de thèse sur les liens entre la musique en réseau et les théories de la complexité. Cette proposition se situe également dans le cadre d’une étude sur l’apport des outils multimédia pour l’analyse musicale.

Makis Solomos
Pour la Paix de Iannis Xenakis, Une oeuvre singulière

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Pour la Paix (1981-82) occupe une place particulière dans l’œuvre de Xenakis : elle constitue son unique composition radiophonique (Hörspiel). Le compositeur a puisé des extraits de textes dans deux livres de sa femme, pour narrer l’histoire de deux jeunes garçons, issus d’un même village, mais embrigadés dans deux armées ennemies. Ce texte est lu par quatre narrateurs. Il est commenté musicalement par des sons UPIC. En parallèle, dix séquences chorales ouvrent des espaces plus spéculatifs, et proposent une extension proprement musicale. Assemblés sur support, ces trois composantes peuvent donc être diffusés à la radio. Cependant, l’œuvre a été créée en concert, et c’est sans doute pourquoi Xenakis en propose également des versions concert. Après l’examen du projet et de la génétique de l’œuvre, cet article analyse les composantes une par une. Puis, il examine leur assemblage, en émettant l’hypothèse que la fragilité de cet assemblage fait que la version concert (notamment celle avec les narrateurs et les chœurs sur scène) rend plus justice à l’œuvre. En guise de conclusion, l’article traite de l’épisode final, où les deux garçons, après s’être retrouvés, meurent dans l’explosion d’une bombe.

Ambrose Seddon
Higher-level relationships in Dhomont’s Novars

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La perception d’événements récurrents dans une œuvre est souvent responsable de la sensation de structure. Les matériaux sonores récurrents (ou rappelant des matériaux antérieurs) peuvent prendre une place significative en créant une perspective temporelle et des points de repère musicaux, permettant la comparaison et l’appréhension des matériaux ultérieurs. La saillance de ces repères peut varier au fil de l’œuvre, si d’autres types de sons récurrents font leur apparition et font émerger des réseaux de relations influençant l’appréhension globale de la forme. Étudier la récurrence dans une œuvre signifie évaluer les similarités et différences entre les identités sonores qui la constituent ainsi que définir la manière dont ces identités réapparaissent et les raisons de leur importance. On trouve des identités récurrentes relevant de la mélodie, de l’harmonie et du rythme dans de nombreuses sortes de musique, sujettes à divers types de répétition et de variation. Cependant, les matériaux sonores et les possibilités de transformation sonore utilisés par les compositeurs acousmatiques sont suffisamment divers et variés pour qu’une attention particulière y soit nécessaire, de manière à mieux comprendre ce que peut être une « récurrence », comment les phénomènes récurrents s’observent à différentes échelles et comment ils contribuent aux sensations de structure et de forme. En gardant cela à l’esprit, une stratégie d’écoute pour Novars de Francis Dhomont sera présentée, qui s’intéressera à la récurrence des matériaux sonores à grande échelle. La stratégie analytique adoptée ici repose principalement sur l’écoute : toutes les observations seront celles d’un auditeur concentré et ne reflèteront donc pas nécessairement les intentions du compositeur.

Nicolas Marty
La narrativisation acousmatique. Compte-rendu d’expérience

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L’expérience relatée ici a été réalisée dans le but de mettre à l’épreuve et d’illustrer des hypothèses concernant la réception d’une musique électroacoustique de type hörspiel / art radiophonique / paysage sonore, dans laquelle les paramètres de segmentation de l’audible et de catégorisation sont les plus contrôlables. La pièce concernée est Journey into Space (1972) de Trevor Wishart. À la suite d’un test préliminaire constitué de deux questions portant sur des extraits de trente secondes auprès de quarante sujets devant répondre sur papier, cette méthodologie a été mise en place pour tenter de définir plus précisément les différents processus de « narrativisation » observés – c’est-à-dire les différentes manières dont les auditeurs font sens de ce qu’ils entendent, le perçoivent et l’organisent de manière à pouvoir le relater par la suite.