Philippe Manoury, La musique du temps réel, entretiens avec Omer Corlaix et Jean-Guillaume Lebrun, Paris : Editions MF, 2012, 157 pages.
L’ouvrage La musique du temps réel rassemble un ensemble d’entretiens du compositeur Philippe Manoury (né en 1952) avec les journalistes musicaux Omer Corlaix et Jean-Guillaume Lebrun, réalisés en 2011. Organisé en sept chapitres thématiques, le livre aborde un large éventail de sujets, allant des conceptions de Manoury en termes de composition à la place de la musique contemporaine et du compositeur dans la société.
Les trois premiers chapitres sont guidés par des préoccupations compositionnelles : comment l’œuvre peut-elle rencontrer ses auditeurs (chapitre 1, « Produire l’écoute ») ? comment composer l’espace (chapitre 2, « L’espace, l’éther du temps ») ? que signifie composer avec et pour des environnements électroniques (chapitre 3, « Temps réel : la machine à remonter le temps ») ?
Dans le chapitre 4, intitulé « Le bal des têtes », les journalistes passent en revue un certain nombre de compositeurs du XXe siècle, dont Manoury évoque l’œuvre et l’intérêt qu’il porte à chacun (ou son absence d’intérêt !). Sont ainsi évoqués Dutilleux, Messiaen, Penderecki, Xenakis, Ligeti, Lindberg, Nono, Lachenman, Rihm, Berio, Cage, Janacek, Grisey et bien d’autres.
Les chapitres 5 (« Les Amériques ») et 6 (« Le Japon, si loin, si proche ») évoquent les sphères culturelles que le compositeur a arpentées : dans un premier temps, il remet en perspective son expérience de jeune compositeur au Brésil, puis fait le bilan des années passées à l’université de Californie à San Diego en tant que professeur de composition, s’attardant notamment sur les particularismes des pratiques liées à l’improvisation. Du Japon, le compositeur retient essentiellement la musique traditionnelle et son renversement de l’image acoustique qu’elle propose, dans une construction de l’aigu au grave, à l’opposé de la conception occidentale.
Le chapitre conclusif intitulé « Postlude, temps contrarié » se concentre sur la difficile situation de la création contemporaine dans la société, évoquant aussi bien la disparition de la critique dans la presse que l’absence de transmission de la musique savante dès le plus jeune âge.
Cette série d’entretiens dresse un portrait très vivant du compositeur Philippe Manoury, accessible au lecteur non spécialiste, notamment le chapitre 3 qui présente le temps réel en musique de manière imagée et aisément compréhensible. Si le propos ne surprendra pas les musicologues, notamment concernant le « credo » et les choix artistiques du compositeur – qui par exemple n’abandonne pas l’investigation dans le champ des hauteurs, le livre constitue une introduction assez complète à sa musique, qui devrait donner envie au lecteur de l’écouter mais aussi de réfléchir à la situation plus que fragile des musiques savantes aujourd’hui.