Olivier Koechlin
De l’influence des outils numériques interactifs sur le temps musical

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Cet article propose une réflexion sur l’impact de la pratique des outils numériques interactifs sur la perception du temps en musique, nourrie à la fois par une expérience acquise dans la conception et le développement d’outils de création et d’analyse musicale et de celle de la pratique instrumentale.

En partant de deux lois sur la perception de la durée présente et passée, établies par Cuvillier et citées par Olivier Messiaen, on y décrit la matérialité de ces outils et de leurs médias, de la trace du sillon analogique au temps fragmenté du processeur numérique.

On parcourt quelques usages paradoxaux observés dans trois situations différentes et complémentaires : celle du compositeur, celle de l’instrumentiste et celle de l’auditeur, en les illustrant d’exemples réalisés par l’auteur.

On traite de l’influence des outils d’écriture et de montage virtuels basés sur une représentation graphique, et de la composition par processus.

On donne des exemples sonores commentés d’une recherche sur le suivi d’improvisation réalisée en 1986 à l’Ircam avec le pianiste Bobby Few et une captation du concert Maâllem Experience avec Mahmoud Gania en 2002 à la Villette.

On présente le logiciel metaScore d’analyse musicale et audiovisuelle interactive, utilisé par la médiathèque de la Cité de la musique, et on dirige le lecteur vers la pratique du Gamelan mécanique, instrument-orchestre interactif en ligne, réalisé avec Kati Basset.

Dans ces nouvelles pratiques, le passé, instantanément « remis au présent » par l’accessibilité de l’échantillon numérique, ressurgit sans cesse au travers de protocoles interactifs voulus ou subis, et vient déstabiliser ce processus d’attente / reconnaissance qui « sous-tend continuellement la forme sonore ».

L’anticipation par recomposition du passé est un processus général à toutes les situations évoquées, que les outils numériques interactifs viennent modifier par leur immédiateté.
L’approche transversale présentée ici incite à partager la réflexion critique sur ces nouvelles pratiques.

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This paper propose a reflection about the impact of digital interactive tools on the perception of time in music, from an experience in the conception and development of musical creative and analysis tools and the instrument’s practice.

Starting from two rules on the perception of duration in the present and in the past, settled by Cuvilier and mentioned by Olivier Messiaen, the materiality of these tools and their media is described, from the analog track to the splited time of the digital processor.

Some paradoxical uses are observed in three different situations, of the composer, the performer and the listener, illustrated by examples from the author’s works.

The influence of writing and assembling tools based on a graphic representation is discussed, as well as the composition by process.
It is possible to listen to some audio examples, from a research on improvisation following achieved in 1986 at Ircam with the pianist Bobby Few, and from the concert Maâlllem Experience with Mahmoud Gania in 2002 in La Villette.

The musical analysis software metaScore is presented, used the library of the Cité de la Musique, and the reader is invited to experiment the Gamelan mécanique, an online interactive orchestra-instrument, developed with Kati Basset.

In these new practices, the past, instantaneously « replaced in the present » by the accessibility of the digital sample, constantly reappears threw wanted or suffered interactive protocols, and destabilizes the process of waiting / recognition witch is « underlying constantly the sound form ».

Anticipation by recomposition of the past is a process common to all the presented situations, modified by the instantaneous digital interfaces. This transversal approach invites to share a forward-thinking on these new practices.

Alain Bonardi, Francis Rousseaux, Diemo Schwarz et Benjamin Roadley
La collection numérique comme modèle pour la synthèse sonore, la composition et l’exploration multimédia interactives

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Les collections d’objets numériques sont placées au croisement interdisciplinaire des sciences cognitives d’une part et de l’informatique d’autre part, dans le domaine de la classification et de la recherche d’informations.

D’un côté, les psychologues spécialistes de l’enfance comme Piaget ont montré que les collections fonctionnent sous un double mode, figural – c’est-à-dire s’inscrivant dans un espace, et à l’inverse non-figural.

De l’autre, les informaticiens cherchent d’autres organisations des informations que les habituelles grilles de classification établies sur des critères posés a priori : il s’agit d’introduire pleinement l’utilisateur et ses désirs dans les systèmes automatisés, tout en essayant bien sûr de lui éviter les coûts exorbitants qui menacent aussitôt de s’ensuivre. Pour cela, les interfaces seront encore à améliorer, et nous n’en sommes qu’au début d’un façonnage d’outils numériques. Après tout, les usages sauront bien nous inspirer collectivement, comme cela fut bien souvent le cas par le passé : nous devons à Philippe Aigrain la mention de la référence historique aux Locus Communis, ces livres collections d’extraits de textes annotés, copiés ou découpés selon des critères personnels avant même l’imprimerie parfois, qui répondaient déjà à la nécessité de gouverner une surabondance d’information. Collection croisée en vérité, puisque la collection d’annotations doublait la collection d’extraits.

Si la constitution et le parcours dans les collections (numériques ou pas), sont des questions qui rejoignent celle, plus vaste, de la synthèse, il est intéressant de remarquer comment les collections de fichiers sonores digitalisés sont devenues un cadre artistique pour l’exploration de formes ouvertes et pour la synthèse sonore en particulier.

Dans cet article, nous rendons compte de caractéristiques communes à toutes les collections, avant de montrer leur spécificité dans le monde du son numérique, grâce à des démonstrations d’applications comme ReCollection et Catart.