Andrea Giomi
Le concept de matériau entre musiques savantes et musiques actuelles – Le cas de « ReComposed »

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En 2008, le célèbre label allemand « Deutsche Grammophon » commandait à Carl Craig et Moritz Von Oswald – deux géants de la musique techno – la ré-élaboration des enregistrements des œuvres de Maurice Ravel (« Bolero » et « Rapsodie espagnole ») et de Modest Musorgskij (« Tableaux d’une exposition »), jouées en 1987 par le Berlin Philarmoniker sous la direction de Herbert von Karajan. En partant de l’analyse des techniques de traitement électronique employées par Craig et Von Oswald, cet article cherche à montrer la nature profondément herméneutique du processus de réinterpretation de la tradition savante à l’œuvre dans les musiques électroniques actuelles. En valorisant la nature essentiellement anti-téléologique de la répétition et en employant des processus de transformation de la matière sonore typiques dans les musiques acousmatiques et de la production électronique en studio, les deux compositeurs reviennent de manière subtile à l’origine répétitive du minimalisme américain (essentiellement Steve Reich, Philip Glass et Terry Riley) en produisant un véritable re-transfert des techniques répétitives. En radicalisant le substrat répétitif caractéristique du vocabulaire technologique de l’EDM, les deux compositeurs dialoguent, en même temps, avec la tradition classique, les compositeurs répétitifs américains et les musiques acousmatiques en mettant en évidence le processus de transformation ontologique du matériau musical en matière sonore.



Andrea Giomi, « Le concept de matériau entre musiques savantes et musiques actuelles – Le cas de ‘ReComposed' », Musimédiane, n° 11, 2019 (https://www.musimediane.com/11giomi/ – consulté le 29/04/2024).

Giomi, Andrea

Chercheur, artiste sonore et performeur. Titulaire d’une maîtrise en Philosophie et en Esthétique, Andrea Giomi a achevé un doctorat en Musique et en Arts de la Scène à l’Université Côté d’Azur/CIRM (Centre National de Création Musicale) de Nice, en cotutelle internationale avec l’Université Alma Mater de Bologne. Ses recherches s’orientent sur la cognition musicale incarnée, l’interaction homme-machine, les technologies de captation du mouvement, les arts numériques, l’esthétique, la phénoménologie et la théorie de la perception. Il est actuellement post-doctorant au sein du Performance Laboratory de l’Université Grenoble Alpes où il développe une étude, à la fois théorique et pratique, sur la sonification du geste dans le cadre du projet Gestures as frequencies : somatics and creative coding. Sa production musicale, se situant au croisement entre techno et musiques expérimentales, a été publié sur différentes labels indépendantes parmi lesquelles RXSTNZ et Obs/Audior. Comme artiste et performeur, ses intérêt portent sur les relations émergents entre corps, son et environnements technologiques. Il a présenté ses travaux dans le cadre de festival internationaux parmi lesquels Inner Spaces (Milan), Tempo Reale Festival (Firenze), Festival Manca (Nice), LPM (Rome), MiRA Festival (Barcelone), Biennale de Design (Saint-Étienne).

Thomas Saboga
Astor Piazzolla et la création d’un style conjuguant populaire et savant : l’utilisation de procédés de fugue dans Muerte del ángel

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Nous scrutons dans cet article l’utilisation de procédés de fugue dans la pièce Muerte del ángel, capables de dévoiler les importants rapports entre musique populaire urbaine et musique savante existants dans la production du compositeur et bandonéoniste argentin Astor Piazzolla (1921-1992). On perçoit l’utilisation d’éléments de quatre univers musicaux différents – tango, musique baroque, jazz et musique savante moderne –, dont le métissage se caractérise par deux traits principaux : le dosage précis de l’utilisation de chaque univers employé, et le métissage par intersection – procédé qui s’utilise des caractéristiques communes des musiques pour les mélanger. Spécifiquement par rapport au langage de la fugue, nos avons pu percevoir que son utilisation est liée à une fonction importante dans la musique de Piazzolla : l’accumulation progressive de la densité sonore. D’un autre côté, le soin à préserver la sonorité baroque de la fugue, lié aux analyses des déclarations du compositeur, nous mènent aussi à voir dans cet emploi une quête et une revendication pour son tango d’une légitimité semblable à celle de la musique savante.



Thomas Saboga, « Astor Piazzolla et la création d’un style conjuguant populaire et savant : l’utilisation de procédés de fugue dans Muerte del ángel« , Musimédiane, n° 11, 2019 (https://www.musimediane.com/11saboga/ – consulté le 29/04/2024).

Saboga, Thomas

Compositeur, guitariste et musicologue brésilien, Thomas Saboga est docteur en musicologie à l’Université Paris-Sorbonne, sa thèse portant sur les rapports entre le populaire et le savant dans la musique d’Astor Piazzolla ayant été reçue avec les félicitations du jury. Actuellement professeur à l’Instituto Federal Fluminense, au Brésil, on peut souligner dans sa production musicale sa composition Baião de câmara, avec Thiago Amud, enregistrée par Milton Nascimento ; son album de compositions O Desague, sorti en 2010 ; et le premier prix de meilleur arrangement offert par les radios Nacional e MEC de Rio de Janeiro pour Tango dos periquitos (composition de Gustavo Melo).

Pustijanac, Ingrid

Responsable de DALM (Dialogic Approaches to Living Musics Research Group)
Département de musicologie et d’héritage culturel – Université de Pavie

Ingrid Pustijanac est professeure agrégée au Département de Musicologie et de Patrimoine Culturel de l’Université de Pavie-Cremona, où elle enseigne l’analyse musicale et les techniques et formes de composition de la musique contemporaine. Ses écrits comprennent un livre sur György Ligeti et des articles sur la musique de la fin du XXe siècle avec une attention particulière à la musique spectrale (œuvres de Gérard Grisey et son horizon théorique notamment), les études sonores et improvisation (GINC et musique expérimentale des années 1960) et la musique mixte, dans le cadre des études d’esquisses et des analyses des processus compositionnels. Elle est membre du Comité de rédaction des Notes d’archives, Journal de l’Institut de musique de la Fondation Cini (Venise), membre du GREAM (Strasbourg) et coordinatrice du DALM (Dialogic Approaches to Living Musics), le groupe de recherche du Département de Musicologie et du Patrimoine Culturel (Cremona-Pavia).

Head of DALM (Dialogic Approaches to Living Musics Research Group)
Department of Musicology and Cultural Heritage – University of Pavia

Ingrid Pustijanac is Associate Professor at the University of Pavia, Department of Musicology and Cultural Heritage (Cremona), where she has been teaching Music Analysis and Compositional techniques and forms of contemporary music. Her writings include a book on György Ligeti and articles about the late 20th-century music with special attention to the spectral music (Gérard Grisey’s works and theoretical horizon, in particular), sound studies, improvisation (GINC and experimental music in the Sixties), and mixed music from the perspective of sketch studies and analysis of compositional processes. She is a member of the Editorial Board of Archival Notes, Journal by the Cini Foundation Institute of Music (Venice), member of GREAM (Strasbourg) and the Coordinator of DALM (Dialogic Approaches to Living Musics), the research group of the Department of Musicology and Cultural Heritage (Cremona-Pavia).